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Biblioado
9 septembre 2013

La grande môme de Jérôme Leroy

La grande môme

"d'un côté, j'ai le sentiment d'avoir tout perdu et, de l'autre, de renouer un fil rompu. Rompu depuis que maman avait décidé, à vingt ans, que le monde n'allait pas bien et que la seule manière de le changer, c'était de le changer complètement, radicalement.
Ça, je peux le concevoir, je peux comprendre pourquoi maman n'a pas supporté ce qui se passait à son époque, les injustices sociales, le chômage partout, les SDF de plus en plus nombreux dans les rues. Je comprends moins bien pourquoi elle s'est encombrée d'un enfant dans sa croisade pleine de sang et de violence pour le changer, ce monde."

Emilie Ambricourt ne se nomme réellement ainsi que depuis quelques mois : avant elle était Dora Suarez, fille de Nathalie Suarez, avec qui elle menait une vie nomade, un quotidien fait de cavales, de fuites permanentes. Une existence qu'Emilie n'avait jamais questionnée. Mais pour la jeune fille, ce monde là est révolu, tout comme le temps de l'enfance - si elle en a eu une. Car sa mère a été arrêtée, elle se trouve désormais dans une prison sous haute sécurité, en isolement total, où elle ne peut recevoir sa fille. A la fin des années 70, Nathalie Ambricourt fut membre d'un groupe nommé Action Rouge, un groupe de résistants - pour certains terroristes- d'extrême gauche qui oeuvrait pour changer le monde, en utilisant les armes. Après vingt ans de cavale, elle est retrouvée et sera bientôt jugée pour ses actes... Emilie est recueillie par des grands-parents dont elle ignorait l'existence, à Rouen, la ville natale de sa mère. La jeune fille va alors découvrir des pans entiers de sa vie, que sa mère lui avait cachés.

Dans le dernier ouvrage de Jérôme Leroy, Norlande, l'héroïne se confiait à une amie, Emilie Ambricourt. J'avais tiqué un peu sur ces références à un autre roman dans un récit qui n'en avait pas forcément nécessité. Le raccourci m'avait semblé trop facile. Et pourtant, j'ai eu envie de me tourner vers le personnage d'Emilie, vers ce roman. Dans La grande môme, on découvre alors l'histoire d'Emilie et de sa mère. Comme dans Norlande, l'auteur aborde des thèmes politiques, qui soulèvent des questions complexes sans les éluder ni juger. Le roman est court, bref, certains points auraient pu être creusés, et comme dans Norlande, le récit tend à faire réfléchir le lecteur ; je pense que quelques annexes auraient été les bienvenues (notamment pour faire le lien avec la vie d'Hélène Castel qui présente des similitudes très fortes avec le personnage de la mère d'Emilie).

Emilie tente de trouver la vérité, pas celle des journaux ou de la télévision, mais celle de sa famille, ce qui a pu expliquer l'engouement de sa mère à cette époque là et les répercussions que cela a eu non seulement la vie de sa mère, mais aussi sur sa propre vie, sur son enfance que l'on pourrait qualifiée de sacrifiée, et également sur les parents de sa mère, qui ont assisté, impuissants, à la fuite de leur fille au nom de ses idéaux. Le roman est aussi une quête identitaire : Emilie va redécouvrir son passé sous un angle nouveau, mais aussi sa mère, à l'histoire tourmentée. L'amitié et l'amour vont lui permettre de s'exprimer, de comprendre et de grandir pour faire front face à ces événements. Malgré le sujet, le récit possède un ton dynamique, grâce à l'ambiance des années lycée avec des personnages qu'Emilie croque sur le vif (la CPE, le proviseur adjoint), avec les prémices de l'engagement politique, et puis aussi la découverte de l'amour - le personnage de Jean-Sébastien apportant une touche de lumière dans la période sombre que traverse la jeune fille. Un roman juste, qui ne cède jamais à l'angélisme.

"Et je sais que si ma courte vie a été construite sur le mensonge puis la violence, si on m'a retiré ma mère, mon nom, il y a quelque chose qu'on ne me retirera jamais, au grand jamais, c'est ce baiser sous le ciel bleu, dans les jardins de l'Hôtel-de-Ville, un matin de septembre, à Rouen."

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