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Biblioado
5 juillet 2013

A copier 100 fois d'Antoine Dole

à copier cent fois

"Papa m'a dit cent fois d'être un homme, et d'agir comme un homme. Oui mais papa, lequel ? Je veux pas être comme Vincent, n'être fait que de bruits, de cris et de colère. Pourquoi tu m'apprends pas les mots, plutôt ? Les mots qui soulagent, les mots qui apaisent, je voudrais avoir les mots qui soignent, ceux qui ne laissent pas seul. Ceux qui ne me viennent pas quand les choses vont trop loin : "Arrêtez, maintenant, arrêtez, c'est trop." C'est ces mots-là papa, que tu dois me donner la force de dire."

C'est une histoire de violence, d'intolérance, de mots que l'on tait, au plus profond de soi, que l'on se martèle, qui nous lacèrent de l'intérieur. C'est aussi l'histoire d'un père, qui ne trouve pas les mots justes, la bonne attitude, car les parents aussi se plantent. C'est une histoire d'amour.

A copier cent fois est un cri de détresse, un texte court, brut, superbe de sensibilité et de douleur rentrée. Un récit qui nous prend aux tripes, qui nous enferme dans la spirale du harcèlement, dans la peur. Le narrateur est un garçon, à qui son père lui dit sans cesse : "un garçon, ça pleure pas, ça se laisse pas faire." Pourtant ce garçon là pleure tous les jours. Au collège, il se heurte à une bande, qui le harcèle autant moralement que physiquement. Coups, brutalités, insultes, rien ne nous est épargné et c'est simplement la réalité endurée par cet adolescent qui nous est décrite. Une réalité décrite par bleus et coups sur son corps. Une vie vécue comme une ombre, un corps qui aimerait se faire oublier, car sans cesse raillé pour sa différence. Si l'homosexualité est très peu évoquée, elle est en filigrane tout le long de ce récit. Et ici elle équivaut à un quotidien marqué par la honte et l'enfer pour le narrateur.

"Mais on s'y fait Sarah, à ce monde qui cogne et qui heurte, c'est celui dont on n'avait peur la nuit quand on était petits. Quand ma mère me disait que les monstres n'existaient pas, que fallait pas avoir peur, c'était pas vrai Sarah. Ces monstres-là, ils existent, moi j'en ai rencontré. On s'y fait et c'est le pire, on s'habitue à tout."

Son père, par son mutisme et son apparente incompréhension, le maintient dans un état de honte et de culpabilité. Son père, qui lui dit qu'être un "vrai" homme, c'est quelqu'un qui agit, qui rend les coups... Un jour, ce sont les coups de trop, les marques sur le corps que son père va voir et va questionner, ce sont les blâmes de son père à anticiper, les même mots, ordres égrenés, d'être fort, de se battre, de se défendre, de faire mal à son tour... Car pour le père, c'est sûr, son "fils sera pas pédé". Le mal-être étouffe le narrateur, et l'idée du suicide, s'il n'est pas clairement énoncé, s'immisce doucement...

Un texte dur, un roman nécessaire où la plume d'Antoine Dole, à la fois incisive et sensible, tour à tour délicate et crue, fait monter l'émotion vers un final superbe sur les mots qu'un père va enfin apprendre à dire. Un instant de vie précieux, beau et percutant.

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