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Biblioado
30 juin 2013

Black Out de Brian Selznick

Blackout

"Et Ben songea que, peut-être, chacun de nous était un cabinet de curiosités."

C'est l'histoire de Ben, jeune garçon sourd d'une oreille, qui a perdu récemment sa maman, et qui vit dans le Gunflint Lake, dans le Minnesota, en 1977. C'est l'histoire de Rose, qui passe son temps cloîtrée dans sa chambre, à regarder et à découper des articles de journaux à propos d'une belle et renommée actrice. Rose vit dans le New Jersey, en 1927. Les deux enfants ont chacun leurs rêves : retrouver son père pour Ben, et rejoindre cette actrice pour Rose. Tous les deux vont faire route vers New York, leurs destins vont se confronter dans d'étranges échos pour finalement se répondre... Afin que chacun puisse réaliser leur rêve commun : avoir sa place quelque part.

Un nouveau superbe ouvrage que nous offre Brian Selznick ; on retrouve des thèmes déjà présents dans Hugo Cabret : un enfant orphelin, confronté à la mort trop jeune, et ainsi à la solitude, la recherche d'une famille, d'un foyer, la passion cette fois non plus des automates, mais des cabinets de curiosités pour Ben et des maquettes pour Rose, le cinéma... On peut parler de roman initiatique, mais aussi d'aventures tant le lecteur est pris par les histoires des deux enfants. Les deux récits se répondent étonnamment - un sens de la narration à souligner - les illustrations de l'histoire de Rose, entrelaçant le récit textuel de Ben, jusqu'à ce que les récits se fondent en un : jusqu'aux retrouvailles émouvantes.

Si dans Hugo Cabret, l'illustration correspondait aux moments où l'action se mettait en route, ici dans Black Out, l'illustration fait écho au monde silencieux de Rose, jeune fille sourde et muette, évoquant justement les films en noir et blanc de son époque, qu'elle va voir en cachette. L'idée est superbe de simplicité tant le lecteur se retrouve immergé dans un monde de silence, où l'on comprend le fil du récit grâce aux très belles illustrations et à leur orchestration. Une image, particulièrement, est d'ailleurs terrible : celle de l'annonce du cinéma parlant, devant laquelle s'horrifie la jeune fille, le cinéma parlant mettant fin à sa compréhension et au plaisir qu'elle ressent devant les films muets... Selznick explique dans ses remerciements, d'ailleurs très instructifs sur sa méthode de travail, ses recherches et ses références, que l'idée de Black Out lui était venue après avoir vu un documentaire sur les sourds et leur culture. L'auteur a été touché particulièrement par le rapport qu'avaient les sourds avec le cinéma muet, et comment l'arrivée du cinéma parlant les en a exclus.

Encore une fois les illustrations, à la fois naïves, faussement maladroites mais aussi implacables par la précision et l'émotion qu'elles distillent, de Brian Selznick font mouche, ainsi que la précision et l'intelligence de sa mise en scène : le roman s'ouvre sur une scène extraordinaire de meute de loups : les illustrations se succédant, par des plans de plus en plus rapprochés, jusqu'à ce que le lecteur ne voit plus que le noir des yeux d'un des loups, et se retrouve aspiré par son regard. L'auteur utilise ses images comme un cinéaste, en les cadrant avec précision pour offrir au lecteur un univers qui se déroule devant ses yeux par le biais de plans rapprochés, de gros plans... Chaque illustration est construite et pensée de façon cinématographique. J'ai été surprise de voir que l'ouvrage était dédié à Maurice Sendak : filiation évidente puisque Sendak révolutionna l'articulation icono-textuelle, dans un jeu permanent. Comme chez Sendak, ici les images de Selznick racontent leur propre histoire.

black out

La découverte du visage de Ben dans la troisième partie, partie de la fusion du texte et de l'image, qui correspond aux retrouvailles des deux personnages, m'a fortement émue. Ce moment est très beau, hautement sensible et j'ai eu un instant l'impression de voir le petit garçon à travers les yeux de Rose. Je n'en dirais pas plus, si ce n'est que Black Out est un livre unique, d'une grande richesse  et passionnant.

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